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Writer's pictureGuillaume Ricard

Comment savoir si on se fait tatouer pour les bonnes raisons

Updated: Dec 2, 2018



Pendant que je pensais à l'écriture mon blog sur la symbolique, je me suis rendu compte que pour beaucoup de monde, la symbolique c'est pas quelque chose de positif, mais bien juste une obligation, une autre chose dont il faut s'occuper avant de se faire tatouer, juste pour avoir quelque chose à dire quand on se fait demander ce que notre tatouage veut dire par de parfaits inconnus qu'on rencontre une fois dans un bar et qu'on ne reverra fucking jamais. J'entends aussi souvent des phrases comme "ahh j'aimerais ça un tatou mais j'ai rien d'assez significatif comme idée!", et je me dis que c'est dommage, parce qu'au lieu de voir le symbolisme comme un boost gratos d'inspiration, les gens le voient simplement comme une excuse, une assurance de ne pas faire une erreur.


C'est en pensant à ça que je me suis rendu compte qu'en général, la plus grande partie des conseils qu'on peut trouver sur le tatouage concernent les choses à ne pas faire, les mauvaises idées et les mauvaises raisons, alors que les bonnes idées et les bonnes raisons, elles, sont très souvent laissées de côté, tellement qu'au final, on a l'impression que la simple absence d'erreurs et de mauvaises raisons est assez pour se faire tatouer. Mais vous savez quoi? Je pense qu'une bonne raison de plus vaut davantage qu'une mauvaise raison de moins. Parce qu'au final, même si on a éliminé toutes les erreurs et les faux-pas possibles de l'équation, ça veut toujours pas dire qu'on le fait pour les bonne raisons. Autrement dit, c'est pas parce que c'est pas une erreure que c'est nécéssairement une bonne idée! Et comme le dit si bien un vieux proverbe chinois, c'est pas parce qu'elle a pas de bibittes que t'es obligé de prendre l'extra.


Et j'ai beau dire à tout bout de champ que la seule bonne raison de se faire tatouer, c'est d'aimer les maudits tatouages, mais ça veut pas dire grand chose si on sait pas qu'est-ce qu'on aime des tatouages au départ, right?


Mauvaises idées 101


C'est certain que des mauvaises raisons de se faire tatouer, il y en a une trâlée. Vouloir être cool en fait partie: ceux qui au début des années 2000 se sont fait faire des douche-tribaux pour avoir l'air cool ont probablement un goût très amer en bouche aujourd'hui. Le fait est que comme rien ne reste à la mode très longtemps, prêter une quelquonque importance au regard des autres, c'est toujours une mauvaise idée, parce qu'il va toujours y avoir quelqu'un pour nous juger peu importe ce qu'on fait. Si vous voulez que les gens vous trouvent plus cool, il y a de meilleurs moyens. Achetez-vous des lunettes Oakley ou des vêtements Abercrombie & Fitch. Vous pourrez toujours aller vous changer la journée ou quelqu'un va rire de vous.


Le tatouage et les pressions sociales


Les dernières années ont été très explosives pour l'industrie du tatouage. Elle a rapidement passée de mouvement contestataire à mouvement grand-public, et le message perçu du public change très (trop) rapidement. On se fait plus tatouer pour être rebelle, mais bien pour faire partie de la gang. Avant, on traitais les tatoués de criminels, de batailleurs de fonds de ruelle et de vendeurs de crack, alors que maintenant on les accuse de suivre la mode, d'être soit des hypsters, soit des douchebags. Je suis moi-même souvent coupable de juger les autres (parce qu'on va s'entendre; juger le monde c'est vraiment l'fun), mais en vérité, ça importe pas. Une personne qui porte des tatouages pour les bonnes raisons, elle se fou de ce que les autres pensent. Et attention, quand je dit qu'elle s'en fou, je veux pas dire dans le sens qu'elle va aller sur facebook pour convaincre tout le monde qu'elle s'en fou afin d'avoir l'air rebelle. Non quand je dit qu'elle s'en fou, ça veut dire qu'elle va entendre des commentaires une fois de temps en temps et qu'elle n'aura absolument aucun problème avec ça.


Personnellement, ça me dérange pas tant que des quinquagénaires me disent que ma passion n'est en fait qu'une mode passagère , ou d'entendre du monde dire que les tatouages ne servent qu'à impressionner ou provoquer. C'est un truc culturel, et c'est parfaitement normal que certaines personnes comprennent juste vraiment pas. C'est même parfois amusant. Par exemple, dans les partys d'famille, depuis que je suis tatoueur, c'est drôle mais plus personne ne me passe d'infâmes interrogatoires sur ce que je fais, alors que le frère lui, oh boy qu'il y passe:


-Jean-François! Allo! Travaille tu encore au Costco? -Yep! -(long silence)... Pi t'es tu encore au garage? -Non, je suis rendu gérant de plancher! -.....Ahh!! Je pensais que t'étais encore au garage! -Eh ben non, comme je viens juste de dire, je suis plus au garage. -Ah okay, c'est juste que j'était pas sur, alors je demandais! -... -Et tu fais quoi exactement, comme gérant de plancher? -(soupir) Bah je m'occupe des commandes, je fais les shifts des employés, je leur dit quoi faire, etc -Ah! C'est l'fun! -Hmm-hmm. -... -... -...Pi t'aime tu ça? -RAAARRHRHGHGHHG


(Une heure plus tard)


- Et Guillaume tu fais quoi de bon? -J'me fais payer pour charcuter du monde avec des aiguilles qui pénètrent leur peau plusieurs fois par secondes pour mettre de l'encre dans le trou. -Good talk! Olivier, t'a fais quoi dans ton année?


Le tatouage en tant que forme d'art


Pour l'apprécier pleinement, il est important de voir le tatouage principalement en tant que forme d'art, et le hic avec cette notion, c'est que tout le monde est d'accord avec ça, mais personne sait vraiment ce que ça veut dire. Une des sources du problème est que les médias ne manquent pas une occasion d'accuser le tatouage de n'être rien d'autre qu'une pratique narcissique de culte du corps et de l'image. Ils abusent chaudement du terme "modifications corporelle" sans jamais prendre la peine de mentionner l'aspect créatif de la chose, comme si il n'y avait aucune différence entre un tatouage et un implant mammaire. Et progressivement, on sépare inconsciemment la moitié des tatouages dans la catégorie “culte du corps”, et tous les autre dans la catégorie “tatouages normaux”, et on assume que tout ce qui n'est pas dans la catégorie la plus superficielle, et ben c'est de l'art.


Puis, un jour, quelqu'un avec un air de snob au dessus de ses affaires vient vous dire que lui, il voit vraiment les tatouages comme une forme d'art (en pensant clairement vous apprendre quelque chose d'hyper révélateur), et dévoile ensuite sous votre regard orrifié un signe du ying et du yang avec un motif tribal tout croche dans son dos (histoire vécue).

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Wow, tout un artiste!


Donc la grande question: le tatouage en tant que forme d'art, c'est quoi? La réponse est assez floue. Je pense que l'important, c'est la démarche. Si le tatouage qu'on veut ne se trouve pas déjà sur internet, c'est un bon début. Comme je le mentionne dans mon article sur l'art , selon moi l'art c'est tout ce qui est créé avec comme but premier de créer une réaction émotionnelle par une forme quelquonque d'esthétisme. Vu de cet angle là, on pourrais dire qu'absolument tous les tatouages sont de l'art, right? Et ben non. Si par exemple quelqu'un espère avant-tout avoir l'air badboy pour se ramener plus de filles, et bien le but premier de ses tatouages, c'est pu de créer une réaction émotionnelle, mais bien de se tremper le pinceau. Ses tatouages deviennent alors basiquement la même chose que les plumes colorées d'un paon ou la crinière épaisse d'un lion: rien de plus qu'un bel attirail avec le but pratique très précis d'augmenter le social standing.


Mais quand le tatouage est vu réellement comme une forme d'art, une forme d'exrpession, il permet aux gens d'intégrer cet art dans leur existence d'une façon qu'aucun autre média ne pourrait le faire. C'est comme une peinture sur un mur, sauf que la peinture et fixée de façon permanente et le mur nous suit à chaque moment de notre vie, partout où on va. Comme le mur nous suit partout, il nous permet d'y accrocher une peinture que nous seuls pouvons pleinement apprécier. Avec le tatouage, on a aucun recul, aucune forme de détachement face à l'oeuvre, mais en même temps, on la voit se transformer, nous suivre avec les époques et changer de signification au fil de notre vie. Comme l'oeuvre fait partie intégrale de la personne, on ne regarde plus simplement l'oeuvre, on deviens l'oeuvre. Et quand on deviens une oeuvre, on veut grandir, et on en veut toujours plus. Plus d'art dans la peau, plus de créativité dans les veines, plus de peintures sur son mur. On se regarde dans le mirroir, et on se demande: "qu'est-ce que j'ai envie de devenir?", et on le fais.


C'est un peu pour cette raison que les tatouages dit "populaires" n'ont jamais vraiment la cote chez les tatoueurs. Ils savent que les clients qui les demandent ne voient le tatouage que comme une décoration corporelle, quelque chose de purement pratique, alors que pour eux, ça représente tellement plus.


Humble et personnel


Je parle de la démarche artistique comme un étudiant qui vient de se faire laver le cerveau pendant un cours d'art conceptuel, mais je tiens à préciser que ce n'est qu'un point de vue parmi tant d'autres, et que rien de tout ça n'y est forcément imposé. Le tatouage ne devrait pas être snob. Il ne dicte pas aux gens quoi penser, et il ne tente pas de prétendre qu'il est supérieur aux autres formes d'arts (prends ça, art contemporain!). Il s'affiche simplement une comme façon intense, vivante et viscérale de créer quelque chose qui va nous suivre pour le restant de notre vie.


L'apect le plus important du tatouage à mes yeux est d'avoir quelque chose de très personnel. Pas unique, pas original, pas songé ou profond, juste personnel. Quand on sent qu'un design nous appartient réellement, tout le reste devient impertinent. Je me souviens de mon tout premier tatouage. J'étais dans un cours de dessin et j'ai gribouillé la forme d'un phoenix dans mon agenda. Soudainement j'ai dit "Hey, ça ferais un beau tatouage!". Puis ça m'est resté dans la tête. C'était un dessin très basique, avec un manque de style et des lacunes techniques relativement importantes. Mais c'était mon dessin. Et je ressens toujours la même chose en le regardant aujourd'hui. Et même si je sais qu'il n'est pas esthétiquement très fort, je ne voudrais l'enlever pour rien au monde (ou peut-être une somme d'argent, disons deux mille? Cinq mille? Tout le monde a un prix tsé), car il fait partie de moi, et qu'il représente un souvenir très personnel d'une époque de ma vie.


C'est aussi ce qui fait qu'une personne se faisant tatouer pour les bonnes raisons ne va jamais regretter sa décision. Quand on apprécie le tatouage pour ce qu'il vaut vraiment, la beauté esthétique de l'image perd progressivement de l'intérêt à mesure que le temps avance. Les souvenirs d'un temps deviennent de plus en plus lointains, et donc de plus en plus précieux. Un tatouage qui parlepar exemple de vivre pleinement sa vie le jour de vos vingt ans va probablement devenir un symbole inestimable de votre jeunesse quand vous allez atteindre la quarantaine.

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